Taxe GAFA : un non-sens juridique, économique et politique

Face aux difficultés rencontrées au niveau européen pour obtenir un consensus sur le paquet fiscalité numérique, la France, à l’instar de l’Italie, l’Autriche, l’Espagne et du Royaume-Uni, a décidé de présenter un projet de taxe numérique national.

La taxe française telle qu’imaginée serait applicable à compter du 1er janvier 2019 et viserait l’ensemble des sociétés réalisant un chiffre d’affaires annuel global d’au moins 750 millions d’euros et un chiffre d’affaires annuel en France d’au moins 25 millions d’euros. Le taux applicable serait plafonné à 5% et pourrait varier en fonction du montant du chiffre d’affaires de la société concernée. C’est d’ailleurs une différence essentielle entre le projet de taxe française et le projet européen (qui prévoit un seuil de 50 millions d’euros minimum de chiffres d’affaires réalisé dans l’UE et un taux fixe de 3%).

L’objectif affiché est de taxer les entreprises du numériques qui ne déclarent que peu de revenus sur le territoire national. Cependant, par sa construction, la taxe frappera toutes les entreprises du numérique sans distinction quant à leur contribution effective à l’impôt. De plus, alors que la taxe est ouvertement dirigée contre les géants américains du numériques, sa mouture actuelle affecterait également les champions nationaux du numérique.

Cette taxe conduira à instaurer une double taxation de ces sociétés, à la fois sur les bénéfices, via l’impôt sur les sociétés, et sur le chiffre d’affaires.

Les sociétés réalisant des pertes ou ayant des marges bénéficiaires minces seront d’ailleurs proportionnellement touchées plus fortement que les groupes les plus puissants, la taxe étant indifférente au résultat. En outre, les entreprises en croissance ou en phase de redressement se verront elles aussi durement touchées en étant soumises à une taxe supplémentaire qui viendra nuire à leur capacité de développement.

Il faut également considérer les risques politiques inhérents à une taxe dite « GAFA ». Dans un contexte de vives tensions commerciales, il est nécessaire de mesurer les conséquences que pourrait engendrer la mise en place d’une telle taxe, qui serait perçue comme une mesure protectionniste. Certains Etats Membres de l’UE ont d’ailleurs pointé le risque que l’administration Trump prenne, en réponse, des mesures de rétorsion économique qu’il serait difficile de contenir.

En ne tenant pas compte de la valeur économique des transactions sur lesquelles elle repose, cette taxe va conduire à une hausse considérable de la taxation globale des sociétés du numérique et constituer un vrai frein à leur compétitivité. Cette taxe sur le chiffre d’affaires engendrera des effets de cascade puisqu’en l’état elle est susceptible de s’appliquer à chaque étape de production, entrainant de fait une double ou une triple imposition de la même activité.

Enfin, venant directement grever le chiffre d’affaires des entreprises, cette taxe pourrait conduire à une hausse des prix des services numériques et pourrait in fine être supportée par le consommateur.

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