JONUM : game over ou game on?
Les Jeux à Objets Numériques Monétisables (JONUM) qui pourraient voir le jour cette semaine avec l’adoption du projet de loi visant à Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique (SREN) par l’Assemblée Nationale viendront bousculer les secteurs du jeu d’argent et du jeu vidéo.
Soutien à l’écosystème web3 français
Faire de la France la terre d’élection européenne du web3 n’est pas chose facile. Le gouvernement souhaite créer une nouvelle catégorie de jeux dans son projet de loi visant à Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique (SREN) actuellement débattu à l’Assemblée nationale. Les JONUM ont vocation à venir s’insérer entre les jeux d’argent et les jeux vidéo afin que la France devienne le premier pays au monde à se doter d’une régulation sur cet écosystème.
Il faut dire que le web3 gaming est une verticale en forte croissance : le « play-to-earn » – jouer pour posséder, ndlr – rassemblerait aujourd’hui 2 000 jeux destinés notamment au public français. Mais si l’intention est louable – soutenir l’écosystème français qui compte plusieurs poids lourds dont la licorne SORARE et le Pari Mutuel Urbain (PMU) – le diable se cache dans les détails.
Une définition qui brouille les lignes
En effet, la définition des JONUM reprend tous les critères légaux des jeux d’argent: une offre au public, un sacrifice financier, une part de hasard et l’espérance d’un gain monétisable.
Que les motivations des joueurs de JONUM soient différentes de celles des joueurs de jeux d’argent, peut-être. Que le modèle économique des JONUM soit distinct de celui des jeux d’argent, éventuellement. Il n’en reste pas moins que ces gains ont une valeur – surtout qu’ils peuvent être des cryptomonnaies – et que l’on ne peut pas distinguer là où la loi ne distingue pas.
Si les JONUM peinent à se démarquer des jeux d’argent, la même chose est aussi vraie avec les jeux vidéo dont le modèle économique se fonde sur les achats en cours de jeux depuis plus d’une décennie. Deux amendements qui seront discutés par les députés visent justement à ramener les coffres-à-butin (loot-boxes) des jeux vidéo dans le giron des JONUM.
Protection des mineurs et cryptomonnaies
Le débat n’est pas seulement théorique. Compte tenu de leurs caractéristiques, les JONUM génèreront de nouveaux coûts à compenser pour prévenir le jeu des mineurs et traiter l’addiction mais aussi pour lutter contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Selon M. le député Denis Masséglia, rapporteur thématique sur les JONUM : « Il se pourrait qu’il y ait des NFT dans Mario Kart à l’avenir. Vous direz alors à nos enfants qu’ils n’ont pas le droit d’y jouer parce qu’ils peuvent en gagner un. ». En effet, les JONUM devraient être interdits aux mineurs, comme les jeux d’argent.
Les JONUM permettent des gains en cryptomonnaies, ce qui est interdit pour les jeux d’argent en France. Or aucune évaluation ne portera sur les risques qu’ils posent en matière de blanchiment de capitaux avant la fin de l’expérimentation dans 3 ans.
Un cadre de régulation allégé, sans fiscalité spécifique
Le contrôle des entreprises de JONUM sera assuré par l’Autorité Nationale des Jeux qui voit ses compétences élargies par le projet de loi. Mais compétences et moyens ne sont pas synonymes, surtout sans fiscalité spécifique pour les JONUM.
Dans ces conditions, les JONUM pourraient constituer une alternative particulièrement attrayante pour mettre en œuvre des activités similaires aux jeux d’argent mais dans un cadre allégé. Le risque : créer une concurrence déloyale directe pour toutes les filières du jeu d’argent et tarir les recettes fiscales associées au détriment tant de l’Etat que des collectivités locales.
Alors, quel avenir pour la saga des JONUM ? L’examen imminent des plus de 200 amendements déposés à ce sujet en séance publique constituera un début de réponse.