« Ce contexte inédit pourrait être une opportunité permettant à la démocratie de s’ajuster et de franchir une nouvelle étape de maturité. »
Le dimanche 7 juillet au soir, la France a tourné une nouvelle page de son histoire institutionnelle. Depuis la proclamation des résultats du 2nd tour des élections législatives anticipées, le pays découvre et expérimente des situations inédites, rendant les prochains jours très incertains. Les élections aux postes à responsabilité à l’Assemblée nationale, qui se tiendront du 18 au 20 juillet prochains, seront ainsi à fort enjeu dans la définition des nouveaux rapports de force institutionnels et parlementaires.
La situation actuelle, qui empêche les trois grands « blocs » de constituer une majorité relative ou absolue à l’Assemblée nationale à partir de laquelle émergerait un nouveau Gouvernement, apparaît comme contre-nature à la lettre et l’esprit de nos grands textes constitutionnels. Elle met au défi les rouages de la Vème République, régime particulier caractérisé par un pouvoir exécutif fort et devenu de type semi-présidentiel depuis l’instauration de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, qui pourrait tendre vers un régime de type parlementaire.
En 1958, les institutions ainsi que la répartition des compétences ont été pensées à partir d’une bipolarisation de la vie politique et de majorités parlementaires stables alignées avec le parti du Président de la république, le Premier ministre étant assimilé à un simple collaborateur (cf. la célèbre déclaration du Président de la République Nicolas Sarkozy à l’égard du Premier ministre François Fillon). La Constitution française prévoit un large domaine de compétence en faveur du pouvoir exécutif, limitant et encadrant le domaine législatif.
« La situation actuelle met au défi les rouages de la Vème République, régime particulier caractérisé par un pouvoir exécutif fort et devenu de type semi-présidentiel depuis l’instauration de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, qui pourrait tendre vers un régime de type parlementaire. »
Le gouvernement de la France va donc devoir s’adapter à cette nouvelle donne institutionnelle.
Une première clarification a eu lieu cette semaine : l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a présenté sa démission ce mardi, élu un peu plus tôt président du groupe parlementaire « Ensemble pour La République » (ex-Renaissance). Cette démission va permettre aux ministres élus à l’Assemblée nationale de siéger et de participer aux votes pour les postes à responsabilité à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement démissionnaire est désormais chargé des « affaires courantes », notion provenant de la jurisprudence administrative et renvoyant à un panel de décisions et de tâches qui permettent d’assurer le fonctionnement de l’Etat ainsi que son administration. Le Gouvernement ne peut alors plus présenter de projets de loi ni se réunir en Conseil des ministres.
Le Parlement, et plus particulièrement l’Assemblée nationale, devrait désormais redevenir un acteur de premier plan du dialogue politique et législatif, véritable barycentre des débats dans la définition des politiques publiques. Le prochain Gouvernement devra, dans tous les scénarii envisageables, passer des accords avec les grands blocs de l’Assemblée nationale et obtenir des majorités par projets.
« Le Parlement, et plus particulièrement l’Assemblée nationale, devrait désormais redevenir un acteur de premier plan du dialogue politique et législatif, véritable barycentre des débats dans la définition des politiques publiques. »
Le premier grand texte de cette XVIIème législature sera le projet de loi de Finances, actuellement en préparation par le ministère de l’Economie. Même en cas de rejet par l’Assemblée nationale du texte initial, la Constitution et la loi organique prévoient des dispositifs pour dépasser tout blocage parlementaire et permettre à l’Etat de prélever les impôts et financer les services publics (voir la note sur les Finances publiques rédigée pour le cabinet par Me Franck Boulin).
Les risques ultérieurs de blocages institutionnels sont également à relativiser : la Constitution française, en restreignant les domaines d’intervention de la loi, renforce les pouvoirs de l’exécutif. En outre, de nombreux textes sont aujourd’hui adoptés au niveau de l’Union européenne et ne doivent faire l’objet que de simples actes d’exécution sans marge de manœuvre.
Préférons l’optimisme de la découverte de territoires non explorés au pessimisme ! Ce contexte inédit pourrait être une opportunité permettant à la démocratie de s’ajuster et de franchir une nouvelle étape de maturité.